jeudi 25 octobre 2018

Sortilège du verre

billes du commerce

Colette avait une passion bien ancrée pour les objets en verre, en particulier pour les sulfures. Je crois qu'une collection de billes ne lui eût pas déplu… Hypnotisme léger, apaisement, j'en fais dans mon livre les gardiens de son sommeil et de ses insomnies…

" Ma nuit a ses fétiches conjurateurs. Née de ma lampe, une étincelle joue sur chacune des boules de verre qui forment, sur le marbre de la cheminée, un troupeau immobile et serré. Dans ces sulfures, exprimant sa fantaisie, sa folie, l'artiste a mêlé formes et couleurs, il a multiplié les cœurs, les étoiles, les spirales. D'une main souveraine, il a tordu le verre en fusion, réduit la feuille d'or en lambeaux. Tel de ces cristaux anciens contient un minuscule panier de poires. Tel autre une verte salamandre. Tel encore marie pour toujours deux cobras enlacés, luttant, s'aimant. Le suivant ne laisse rien voir que sa propre abstraction chromatique… Prisonnière des bulles solides, une vie étrange se laisse contempler, figée, inoffensive. Que risqué-je alors, à accueillir dans ma chambre un très ancien fantôme qui insiste à ma porte ? "

© Frédéric Le Roux, 2018

lampe et sablier

vase de Murano

Mon livre est en vente par correspondance, au prix de 17 €. Pour me contacter :
06 63 44 78 15
fleroux08@gmail.com

Les arbres

Pérennité des arbres

" Ils ont poussé ensemble, mais ensemble n'est pas assez dire. Il faut souligner la rigueur qui élève ces futaies unanimement dans un ciel, à quinze mètres au-dessus de nos têtes. Leur ascension parallèle a suspendu leur croissance - je dis bien : à quinze mètres dans le ciel, les troncs sont presque blancs, le chevelu fin est presque noir… Laissez que je vois mieux… Non, ce n'est pas la peine. Hormis leur parallélisme, hormis les colonnes d'azur qu'étranglent les troncs verticaux, il n'est rien que j'aie besoin de lire plus clairement. Tout est végétal quoique rigide. O branchages élancés ! Le ciel est à votre portée. Pourquoi ne pas lui préférer l'humus, la mousse, les lits obscurs et superposés qu'obtient, de chaque essence, ce que chaque essence dénonce comme un mystère de la végétation ? Nous n'avons pas fini d'aimer, comme par obéissance, tout ce qui nous retient ici. "


Texte de Colette, photographie d'Izis, in Paradis terrestre, Éd. Clairefontaine, Lausanne, 1953

Je vous invite à lire le livre que j'ai consacré à Colette, Tout est bleu ce matin, en me contactant par téléphone ou par e-mail :
06 63 44 78 15
fleroux08@gmail.com

samedi 20 octobre 2018

Tout est bleu ce matin


En promenant notre chienne parmi les champs du village où nous nous sommes installés, j'eus l'idée d'un livre. Je vis Colette rendant son dernier souffle, dans une réminiscence des champs de colza en fleurs qui m'entouraient. J'imaginai que Colette s'y allongeait enfant, qu'elle s'en rappelait au moment de rendre l'âme… Ainsi commença l'entreprise Tout est bleu ce matin.
Dans ce livre, j'ai imaginé la vie de l'écrivain au Palais-Royal, dans ses dernières années. Cette période de sa vie reste en effet peu connue : Colette, qui avait habitué ses lecteurs à suivre ses vies réelles et imaginaires, n'écrit plus, ou, du moins, ne publie plus. Ses biographes, à l'exception de Pauline, sa gouvernante et amie, et de Maurice Goudeket, son troisième époux et "meilleur ami", ne disent presque rien de sa vie intime. Ces lacunes ouvraient un large champ à la fiction. 
Aux lecteurs, aux lectrices d'apprécier si ma Colette de fiction répond à l'image qu'ils conçoivent d'elle. S'ils connaissent peu Colette, j'espère que ce livre, qui est fait de moments familiers, quotidiens, et de souvenirs tirés de l'œuvre et des biographies, pourra être une introduction à son œuvre…

On pourra se faire une idée de Colette, et on trouvera de nombreux extraits de mon livre sur ce blog. Si vous souhaitez lire mon livre, vous pouvez me contacter à :
fleroux08@gmail.com
06 63 44 78 15
Paiement par virement ou par chèque. Envoi soigné. 120 pages grand format, prix : 17 €.

photo de l'auteur aujourd'hui 

Carnal flower

hibiscus rouge

Il faudrait être Colette pour décrire cette éruption volcanique… je ne m'y risque pas. Les fleurs sont présentes dans toute son œuvre. Et deux petits livres y sont exclusivement dédiés. J'en recommande la lecture à tous les amoureux du pétale, du pistil, et même du rameau, pelucheux ou lisse, épineux ou glabre qui porte ce sexe hermaphrodite. Ces deux livres sont Flore et Pomone et Pour un herbier, dont voici un extrait.

" Le grand spectacle, le voici encore une fois à mes côtés, dans ma chambre. Six camélias rouges.
Soumis à des sévices d'exception, ils y résistent durant des heures. Ils vivent de l'air du temps. Leur fleur, leur feuille, n'adhèrent l'une à l'autre que par un fil. Un fil d'archal [laiton] perce la coupelle des sépales, perce le vigoureux cœur qui abonde en étamines, le traverse de part en part, se tord et se noue autour de la tige, maintient raide la fleur magnifique, secrètement décapitée, qui quittera la vie debout.
(…) Ce que peuvent pour moi, à cette heure, six camélias rouges, c'est me conduire à leurs survivances diverses, à des terroirs qu'ils ont élus. Sous le climat breton s'est formée lentement une charmille séculaire, comme un cimetière vernissé. Noirs dans l'ombre, plus noirs encore au soleil, chaque feuille n'admettant qu'une tache de lumière pâle et bleue sur sa face convexe, ils attendent le moment, la saison encore froide où les camélias s'allument de rouge, tous à la fois… "

camélia rouge

le camélia breton ? 

vendredi 19 octobre 2018

Honneur du vin


Pour Colette, le vin, denrée éminemment respectable, est semblable à un joyau, ou à un prince à qui l'on doit tous les égards. Pour la récompense d'un sourire, d'un baiser, ou celle d'une gorgée.

" 'Je suis la race, affirme-t-il, j'ai fondé mieux qu'un empire. A mon seul nom les yeux brillent, les lèvres se mouillent. J'ai des noms plus doux à l'oreille que des mots d'amour (…).'
Partout on travaille, mais le rythme du labeur se plie à la convenance du vin qui n'aime ni la hâte, ni la brutalité.
Autour de nous règnent les sons amortis, le calme et ce luxe suprême, bientôt inaccessible à notre existence : la lenteur réfléchie, la mesure. Au-dehors, la bise elle-même galope, la route se couvre d'automobiles, le téléphone grelotte sans trêve. Mais au chevet du vin cloîtré, le temps s'endort, et peut-être que nous cessons, un moment, de vieillir ?… "

in Prisons et paradis, En Bourgogne

Colette et son ami le peintre Dunoyer de Segonzac avaient sans doute la même conception du vin. Mais quel chemin parcouru, de la Côte d'or à Saint-Tropez ! On passe des blancs et des rouges aux rosés, on passe d'une dégustation exceptionnelle à la bouteille de Syrah-Grenache-Mourvèdre de tous les jours… Mais personne, à ma connaissance, n'a su rendre aussi bien que cet aquarelliste la couleur du vin… 

André Dunoyer de Segonzac, 
Nature morte avec deux lunettes de vin
1959

mercredi 17 octobre 2018

Pompes à vélo et articles de cycle



Dialogue imaginaire entre Colette et son mari, Maurice

- Laniel !
- Hein ? Pardon?
- Laniel, chérie ! C'est Laniel qui l'a emporté… Le pauvre bonhomme a un de ces boulots devant lui !
- Alors ça y est, la malheureuse a finalement été emportée ?
- Quoi ? Quelle malheureuse ? Laniel, à l'Assemblée… Il vient de recevoir l'investiture. Il s'est donné deux jours pour annoncer la formation de son cabinet.
- Oh, tu m'as fait peur… J'ai cru que tu disais la nièce… la nièce de monsieur Hazotte qui est si gravement malade, on s'attend à son décès d'une heure à l'autre.
- Ah… C'est moche.
- Oh… non. C'était une saloperie. Elle battait son mari avec une canne… Tu vois de qui je veux parler ?
- Euh… non.
- Mais si, la nièce d'Herbert Hazotte… Herbert Hazotte, pompes à vélo et articles de cycle… "H. H." ! Ç'a été la toute première chaîne commerciale, dans les années 1900…
- Je sèche.
- Oh ! A la veille de la guerre - la dernière -, Herbert était à la tête d'un petit empire. Sa fortune s'était encore accrue de par son mariage avec Zora de Philiberg, au passage une des plus incroyables beautés qu'on ait jamais vues…
- Attends… Une grande blonde, pas de seins mais des fesses, un col de cygne, un port de danseuse ?
- Voui ! Zora de Philiberg !
- Ça y est, je vois.
- Et donc, tu te rappelles leur accident ?
- Non.
- En 40 ou 41, je ne sais plus, un accident d'avion qui tue la femme, met le mari dans une petite chaise et le laisse muet. En outre gravement brûlé, à moitié défiguré…
- Mais c'est atroce…
- Atroce.
- Et alors, la nièce ?
- La nièce était l'unique héritière. Hortense. C'était une bourrique et une feignasse, que son oncle entretenait déjà depuis des années. Mais naturellement, ça ne lui suffisait pas…
- Naturellement.
- Elle a capté toute la fortune d'Herbert en prétendant que ce dernier n'avait plus sa raison. Elle a relégué le pauvre vieux dans une chambre sordide, tout près d'ici, tu vois l'hôtel des Cinq Saphirs, rue du Cachemire ? Elle lui donnait à manger des croûtes de pain…
- Mais peut-être qu'Herbert n'avait réellement plus sa raison ?
- Et quand bien même ? On ne fait pas manger des croûtes de pain à son oncle ! Et si, Herbert avait toute sa tête, le pauvre… Nous an avons la preuve, puisque nous avons des lettres !
- Tu as des lettres de ce malheureux ?
-  Mes tiroirs sont pleins de lettres de toute sorte et de toute origine, mon lapin…
- Tu es une véritable concierge !
- Je suis la concierge de Paris, tu peux le dire !
- Colette, cette histoire… Les gens sont des monstres… La vie est terrible !
- Terrible.
- Et en même temps, comment dire ? Facétieuse…
- Mutine… Cruelle !
- La vie est terrible et pourtant, Colette, près de toi… si charmante… Qu'avons-nous à dîner ?
- J'ai demandé à Pauline de nous faire des croque-monsieur.
- Hmm ! Avec de la sauce Worcestershire ?
- Naturellement.
- Et un œuf à cheval ?
- Si ça nous plaît… Tu sors ensuite ? Non ? On demande à Pauline et Lucien de taper la belote ? Je me mets avec Pauline !
- Tu peux toujours te mettre avec Pauline, on va vous flanquer la pâtée !
- J'en serais bien étonnée !

Tout est bleu ce matin
© Frédéric Le Roux, 2018

Si vous souhaitez en lire davantage, mon roman consacré à Colette est en vente par correspondance, au prix de 17 €. 120 pages grand format. Règlement par chèque ou virement. Contactez-moi :
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Saisons torrides

" Le temps de réfrigérer les moisissures, de servir, sur la fleur en plateau du laurier-tin, un dernier petit entremets de giboulée éphémère, et le printemps torride violentera toutes les éclosions. (…)
C'est le printemps rôti, qui accourcit l'herbe et les lances du blé. Vent d'est, pas de rosée, le rosier perd ses boutons fermés, le cerisier ses cerises ridées, l'ail jeune, l'échalote sensible pâment - pitié pour la fleur ailée du pois, qui prie pour que la pluie la change en cosse…
A ce printemps véhément je superpose encore l'idée de l'amour, pour ne me rappeler que la dureté intéressée de la vue amoureuse, le petit groin rose de l'amour, son secret langage de corps de garde (…)… Il est étrange que cette sorte de printemps soit encore au nombre de mes récréations mystérieuses de femme âgée… "

L'étoile Vesper

Dans une variante de ce texte (voir Éd. de La Pléiade, tome IV), Colette développe ce passage sur l'amour et assure qu'à sa place, elle connut un pur éblouissement solaire, un éden de fleurs. 


" Au delà, tout n'est que prodigieux de couleur et de richesses indistinctes. (…) Je n'y revois, je n'y recense, parmi des coïncidences  d'exaltation, de précocité, que la poignante apothéose d'une saison qui se dépensait comme si chacun de ses efforts fût le premier ou le dernier. (…) Dans le lointain, l'adolescence enregistre impeccablement. Grâce à sa mémoire, le printemps fleuri, écumant d'abondance, est encore au nombre de mes récréations mystérieuses de femme âgée. "