jeudi 26 avril 2012

Les Jours. Christiane nous écrit


Rueil, le 16 février 2012

Il ne faut jamais oublier les jours heureux de notre vie. Ce sont ces moments-là qui nous font continuer notre chemin. Ils sont gravés dans notre mémoire, et de temps en temps, nous allons les retrouver et alors tout devient lumineux, cela nous remplit d'une grande joie.

Les beaux jours de notre enfance avec des parents aimants. Les premiers émois de l'amour, la rencontre avec l'être aimé, alors on se sent devenir quelqu'un d'autre. Toutes ces belles années de bonheur avec son compagnon ou alors sa compagne. La naissance de très beaux enfants, la vie vous comble pendant un temps.

Puis viennent les premiers chagrins. Les moments douloureux parfois, qu'il faut surmonter à tout prix. On ne passe pas sa vie sur un petit nuage ! Puis la vie continue et il faut se la faire belle malgré tout.

Mes enfants sont mon plus grand bonheur avec mon mari François.

Je vais bien

Christiane

lundi 16 avril 2012

Barbara



Et comme deux chevaux courant dans la prairie
Et comme deux oiseaux volant vers l'infini
Et comme deux ruisseaux cherchant le même lit
Nous irions, dans le temps, droits comme des roseaux
Quand, sous les poids des ans, nous courberions le dos
Ce serait pour mieux boire ensemble à la même eau



Deux livres.
La bio de Jean-Dominique Brierre, "Une femme qui chante", par cet excellent auteur qui a côtoyé Barbara.
Et "Il était un piano noir", les "mémoires interrompus" qu'elle a composés après son accident, à la fin de sa vie, quand elle ne pouvait plus faire son tour de chant. Texte précieux, beau, puisqu'elle était aussi une grande plume…

dimanche 15 avril 2012

PRINTEMPS RADIEUX



Une première écume verte se colle à la face des troncs qui regarde le nord-est, et dans nos cheminées le feu sue, bave et grommelle. Insidieuse, une odeur monte de la cave jusqu'au rez-de-chaussée… " Qu'est-ce qui sent comme ça ? " Ce qui sent comme ça, c'est un fût plein, que le printemps moisi dénature et qui de vin tourne en vinaigre. On accouche la barrique, trop tard, d'une " mère " énorme, sorte de poulpe horrible, violâtre et gélatineux…
    
Tout sent le sur, l'aigre, le cornichon hors d'âge, le marc de pomme, la betterave ensilée… C'est ton odeur, printemps moisi ! Mais pour peu que le soleil et le vent se ravisent, et le printemps torride violentera toutes les éclosions.




C'est le plus difficile à évoquer. Je l'empoigne par un bourgeon, un germe vermiforme, une viorne, et je tire à moi, avec précaution… Sur les champs nus règnent le silence et la chaleur. Un peuple impotent et divers se traîne, volette, retombe. Des pattes débiles tâtonnent, boitent, des ventres rampent ; partout un insecte succombe au bord de la source de vie, une larve laiteuse rend son sang blanc, la chrysalide éclate comme une cosse. Un massacre s'organise dans les ténèbres du sous-sol. Devant la créature achevée une porte allait s'ouvrir, et ne s'est pas ouverte… La fureur de mourir va-t-elle surpasser celle de naître ?
    
C'est le printemps rôti, qui accourcit l'herbe et les lances du blé. Vent d'est, pas de rosée, le rosier perd ses boutons fermés, le cerisier ses cerises ridées…




Sous peine d'être punie, ou trop récompensée, j'éloigne, j'approche de moi l'image d'un printemps, d'un lieu tellement miens encore, qu'en y posant des pas immatériels je ménage dans les joints de ses pavés un quadrillage d'herbe fine. Au-delà, tout n'est que prodigieux de couleurs et de richesses indistinctes. De silence aussi. Penché vers juin, retenu à mai aussi, la seule voix que pût parler mon printemps fleuri, celle de l'amour, se tut. J'eus ce bonheur que l'amour ne vînt pas, à l'époque, fourrer dans une féerie son sentiment de la propriété, la dureté intéressée de ses vues, son petit groin rose, et son langage secret de corps de garde.
    
L'amour n'eut donc pas sa part léonine dans mon printemps le plus fleuri. Je n'y revois, je n'y recense, parmi des coïncidences d'exaltation, de précocité, que la poignante apothéose d'une saison qui se dépensait comme si chacun de ses efforts fût le premier, ou le dernier.



L'étoile Vesper

vendredi 13 avril 2012

Les jours…

Lumière d'avril. Sur la gauche, le vieux salon de jardin qui attend la 1ere heure de température clémente. Au fond, la maison nouvelle dont la peinture des façades tarde, et devant, le poirier. Ô poirier ! Déjà condamné par les insensibles ! Il nous en coûte 600 €, mais l'élagage l'a rendu à la santé… Sa 1ere floraison depuis. Il sera très beau l'année prochaine…


Christophe a fait des balconnières de géraniums ce week-end. Pélargoniums est le vrai nom de ces splendeurs roses, mais la faute est tellement courante qu'on ne va pas chipoter. N'est-ce pas, papa ?

mercredi 11 avril 2012

PRINTEMPS POURRI. " C'est encore bien moche, aujourd'hui ! "

   
Qui, pour exprimer le printemps, hormis Colette ? Sue Hubbel peut-être, la " dame aux abeilles " d'Une année à la campagne. Thoreau, Buffon, les naturalistes ? Rousseau, certainement… Les romantiques ? Voici le meilleur texte que j'aie lu sur ce sujet ambigu, la primavera, the spring…
    
" Je sors.
– Par ce temps ! Je te plains.
– Tu es bien ? Tu n'attends personne ?
– Personne. "
    
C'est une vérité relative. Je ne peux pourtant pas avouer à mon meilleur ami que j'attends le printemps. Qu'attendrais-je, sinon le printemps ?
     
Le sentiment d'attente ne s'ajuste qu'au seul printemps. Avant lui, après lui nous escomptons la moisson, nous supputons la vendange, nous espérons le dégel. On n'attend pas l'été, il s'impose ; on redoute l'hiver. Pour le seul printemps nous devenons pareils à l'oiseau sous l'auvent de tuile, pareils au cerf lorsqu'une certaine nuit il respire, dans la forêt d'hiver, l'inopiné brouillard que tiédit l'approche du temps nouveau. Une profonde crédulité annuelle s'empare du monde, libère trop tôt la voix des oiseaux, le vol de l'abeille. Quelques heures, et nous retombons à la commune misère d'endurer l'hiver et d'attendre le printemps…
     
" On gèle ici ! Pauline !
– Bien sûr, Madame. C'est régulier, on n'est pas de sitôt au printemps. "
     

… qui n'arrive jamais selon notre attente. Il arrive – disions-nous enfants – en voiture, c'est-à-dire qu'il roule et s'irrue sur un char de tonnerre, fouaillé par de grands zigzags de foudre. Une autre année, avant l'aube, il pose partout des vitres, sur l'abreuvoir des poules, sur le seau plein, jusque dans les empreintes des pieds du bétail, au bord de la mare. Dès que le soleil les touche elles sautent en éclats de glace mince et tintante, et la gelée, au moment que nous voulions lui confier notre nom du bout du doigt, s'évanouit comme l'haleine sur un miroir.
    
Ou bien, comme le jour de mon dernier mariage, le renouveau efface un matin tout le bon travail d'avril déjà bien avancé, emplit le ciel d'une bourre grise qui se dénoue en neige comme un édredon crevé. Il ne faisait pas froid, d'ailleurs, ce matin-là ; quelle moelleuse neige !
       


Une autre fois le renouveau fait songer à une rose immergée. Il brille sous l'eau, tout averses gaies, mousses crues en quelques heures. D'un ongle vert, au bout d'une branche, s'égoutte sans fin une goutte, encore une goutte et toujours une goutte, qui alimente le chant des cascatelles souterraines. L'embryon est aqueux, l'herbe jute, l'écorce fend, l'argile sirupeuse trahit le pied. Mais une sourde lueur s'attache à chaque pli des eaux débordées, en un moment l'iris se dégaine, et la pluie est tiède. Au crépuscule, la rivière fume comme un feu de fanes…
      
(…)
     
L'Etoile Vesper, 1946