samedi 22 décembre 2012

Un Noël sans neige ? On avait oublié ce que c'est…

Cette année encore, nous ne sortons pas de l'hiver. Plus long, plus dur, plus hivernal que d'habitude, on n'y sentit pas durer encore l'automne, commencer déjà le printemps. Un colosse glacé, enneigé et sale écrasa le petit peuple des saisons, qui tendent au mélange, imposa à Paris son diktat cruel. Pour la première fois, je fermai ma fenêtre. Je m'inquiétai pour Pauline qui prit une longue, une sale toux et ne la quitta que peu à peu, avec des reprises, des rechutes. Pauline amoindrie, presque abattue, ce n'était pas possible ! 
  

Nous mîmes à double contribution la femme de ménage, et trouvèrent pour notre Pauline des auxiliaires inattendus. Je demandai en effet à Maurice de répondre à l'appel de l'abbé Pierre, et d'ouvrir notre porte aux malheureux sans-logis. Oh, il ne l'ouvrit pas sans grincer, et je gage qu'il opéra une rigoureuse sélection ! Mais Gérard  et Catherine s'avérèrent, pour le nombre de semaines qui séparaient Pauline de la guérison, pour celui qu'il fallut avant qu'ils ne trouvent un hébergement plus cohérent, des compagnons jeunes, actifs et, ma foi, bien drôles…
     
– Alors mame Colette, ça va-t-i' mieux votre jambe, ce matin ?
– Monsieur Gérard, vous ne le croirez pas : je ne sens pas mon mal ce matin ! Je pense même que je vais me mettre debout !
– Vingt dieux ! Mais toutefois, il ne faudrait pas que ça dure…
– Vous ne souhaitez pas me voir guérir ?
– C'est que je ne vous connais pas depuis longtemps, mais je vous ai déjà cernée. Pour un peu qu'on vous rendrait vos jambes, vous auriez vite fait de prendre la poudre d'escampette, et on ne vous reverrait pas de si tôt.
– Quelle pénétration ! Mais où serait le mal ?
– Pensez ! Ça en ferait des malheureux, dans cette maison !
– Eh bien, nous allons déjà voir si je peux marcher jusqu'au jardin…
   

Ce jour exceptionnel de mars finissant, je me vis, miraculée, capable de descendre de chez moi avec une seule canne, et le bras de Gérard au soutien du mien. Oh… Comme tout est différent, moi qui ne connais plus mon jardin que de haut, comme tout est différent au ras du sol ! C'est autrement plus agressive que l'odeur de la terre retournée vient aux narines, quand on se penche de près sur elle… Et ces lombrics, et ces cocons pleins de minuscules araignées à naître, et les délicieux cornets des toutes premières feuilles de rosier, si petits, si détaillés, si rouges… je ne connaissais plus l'existence de tout cela ! 

Je me promène entre les plate-bandes, je regarde sous les arcades les vitrines qui me sont neuves elles-aussi, car enfin, je ne savais pas que des couturiers tenaient désormais boutique au Palais-Royal, ni des chausseurs… Peut-être ne devrais-je pas borner là mon excursion, et si nous marchions jusqu'à la place du Carrousel ? Et si…

   
Tout est bleu ce matin
© Frédéric Le Roux, 2012


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