jeudi 15 août 2013

Le fantôme de la nuit

La nuit est calme et tiède. Le rouge des tentures qui tapissent mes murs flamboie doucement, comme le feu dans ma cheminée. Un souffle m'apporte, de dehors, parmi des odeurs de restaurant point désagréables, le parfum des roses récemment fleuries. Des planchers, des cloisons craquent ici et là dans l'immeuble sonore : certains de mes amis voisins, comme moi, veillent. D'autres s'endorment, telle ma Pauline dans les bras de son Lucien…
     
     
Ma nuit a ses gardiens invisibles, et ses fétiches conjurateurs. Née de ma lampe, une étincelle joue sur chacune des boules de verre qui forment, sur le marbre de la cheminée, un troupeau immobile et serré. Dans ces sulfures, exprimant sa fantaisie, sa folie, l'artiste a mêlé formes et couleurs, il a multiplié les cœurs, les étoiles, les spirales. D'une main souveraine, il a tordu le verre en fusion, réduit la feuille d'or en lambeaux… 
    
Tel de ces cristaux anciens contient, tout fraîcheur et saveur, un minuscule panier de poires. Son voisin, une jaune salamandre. Tel autre, un parterre de pensées, bleues comme… des pensées. Tel encore marie pour toujours deux cobras enlacés, luttant, s'aimant. Immergée, prisonnière des bulles solides, une vie étrange se laisse contempler, figée, inoffensive…
     
Que risqué-je à accueillir, dans ma chambre ornée de livres amis, de tableaux amis, un très ancien fantôme qui insiste à ma porte ? C'est un charmant fantôme, qui a gardé la douceur profonde d'une femme que la vie n'a pas épargnée. Mais pourquoi viens-tu maintenant, ombre de Missy, alors qu'il est déjà si tard ? Cette robe blanche de dentelles, tu ne la portais que pour moi… Approche. Tu ne m'as jamais blessée, je ne redoute rien de toi. Que dis-tu ?
      
Que c'est beau, après un authentique orgasme…
     
    
    
Tout est bleu ce matin
© Frédéric Le Roux, 2013

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