dimanche 24 février 2013

Révélation du rouge : André Dunoyer de Segonzac

      
La Bouteille de vin rosé, vers 1956
     
Quand j'ai vu pour la première fois, bien éclairée, dans le luxe nocturne de l'appartement d'un collectionneur, une aquarelle de Segonzac, je suis presque tombé à la renverse. Ce sont de grands rectangles de papier blanc et fort, des fenêtres de plus d'un mètre de large… 

Voisins à Saint-Tropez, il était l'ami de Colette entre tous les peintres, et a merveilleusement illustré La treille muscate. Elle lui doit, à la pointe sèche, ses meilleurs portraits. Dans ses tableaux à l'aquarelle, la couleur est vivante, sensible… Pas toutes les couleurs au même degré. Le rouge. Les rouges…

Les rouges de Segonzac ont les qualités de la vie réelle des rouges comme, à ma connaissance, chez aucun autre peintre. Est-ce dû seulement au goût d'André pour cette couleur, au mien, et pour sa boisson homonyme, le vin ? Ou est-ce à l'inverse un amour un peu particulier de la vie qui fait tant aimer le rouge, le vin, la pourpre, l'écarlate, le rutilant, le sanguin ?…

lundi 11 février 2013

Séraphin, c'est la fin !

     
Pour le plaisir extrême de voir et d'entendre Gabriel Matzneff, qui parle ici de… lui, bien sûr, de son nouveau recueil d'articles, mais surtout peut-être du monde, tel qu'il le perçoit par ses propres antennes, et à travers ce qu'il dénonce comme la "presse-purée". Le monde et son abêtissement à ses yeux, je crois qu'il parle aussi de fascisme, du moins c'est ce qui ressort… Fascisme, intolérance, conformismes… Je suis assez d'accord sur ce dernier et triste point. Je ne suis pas le seul…
    
      
Mais Matzneff désespéré du monde, Gabriel qui marche vers sa propre fin, l'annonce, la regarde, s'adresse à nous avec un constant sourire. Pour cet homme, l'amour et la beauté sont quasiment des synonymes… Il espère quitter le monde en ayant réalisé son vœu, la finalité selon lui de l'humanité : créer sur terre une œuvre de beauté…
     
http://www.dailymotion.com/video/xxffsp_gabriel-matzneff-seraphin-c-est-la-fin_news#.URj1xqVa704
      

mardi 5 février 2013

Une comédie hyperénergétique, intelligente, et… drôle !

     
Je ne sais plus quand il en a parlé pour la première fois… Etait-ce là-bas, en Bourgogne ? Je nous revois également un soir, déambulant tard entre la rue de Rivoli et la Seine… Stéphane me racontait le début de Les gens sont les gens. Son enthousiasme pour cette histoire était absolument contagieux, et comme je visualisais parfaitement la situation, les gags, je n'arrêtais pas de rire, sous les bustes graves des grands hommes sculptés aux chapiteaux du Louvre…
    
Nicole, une psychanalyste parisienne entre deux âges, lasse, fatiguée, à bout en fait, part quelques jours chez une ancienne amie retirée en Bourgogne. Au hasard d'une promenade, une cabane attire bruyamment son attention. Elle tombe face à face avec un porcelet élevé dans des conditions sordides, à des fins de consommation… et décide de l'enlever. Les gens sont les gens, ou comment Nicole et Foufou vont "s'épauler", se comprendre, s'apprécier, et finalement, se "sauver" l'un-l'autre… provoquant au passage les situations les plus cocasses.
    
Le bandeau du livre, qui paraît ces jours-ci au Cherche midi, annonce "Le roman antidépresseur". Ce n'est pas seulement bienvenu à l'heure où Prozac, Seroplex et Lexomil ne se sont jamais si bien portés, c'est… vrai ! Un enchantement, et comme un dopage opèrent à la lecture de ce texte d'une grande liberté, presque agressif par instants…
     
Il ne faudrait pas croire que Les gens sont les gens n'est qu'une délicieuse, une anecdotique récréation. Depuis la parution d'Actrice en 2005, au Cherche midi déjà, Stéphane Carlier présente une plume fine, acérée, vibrante, d'une rare expérience chez un jeune écrivain. Souvent cruelle, comme la vie, souvent aussi très drôle. Ce qui, en littérature comme ailleurs, est si rare, si précieux… 
      
l'authentique cabane à cochons, dans un village oublié du Morvan
      
     
http://www.stephanecarlier.com
     
http://livre.fnac.com/a5017596/Stephane-Carlier-Les-gens-sont-les-gens
      
portrait de S. C. © Anay Mann

samedi 2 février 2013

Les Saisons et les Lieux


Le livre "Tout est bleu ce matin" est disponible par correspondance, 18 €, frais de port inclus.
Commandez-le à fleroux08@gmail.com, ou par téléphone au 06 63 44 78 15. Commandez-en deux ! Commandez-en pour votre mère… pour vos amis… pour votre femme, votre mari !
    
    
     – Ah, Pauline, tu tombes bien ! Peux-tu m’attraper Le Lys dans la vallée ?
     – C’est aussitôt dit que fait.
     – Ça va, belle ?
     – Pas mal ! Mais quelle chaleur ! Plus dure que quand nous étions à Saint-Tropez… Plutôt comme Monaco, comme pénible. Mais Saint-Tropez, c’était un climat à part. Toujours beau et chaud, mais doux…
     – C’est juste. Tu dis toujours juste. Tu n’aimais pas tellement Monaco ?
     – Oh, si. Pas tellement comme ville, ni comme plaisance, mais on voyait toujours des gens si agréables, et intéressants !
     – C’est vrai.
     – Je venais voir si… ah, mais il est là ! Mon exemplaire du Blé en herbe.
     – Tu me lis donc encore ?
     – Ça m’arrive, je le confesse.
     – Et tu trouves ça comment ? Ça a déjà un peu vieilli, non ?
     – Sincèrement ? Non. À tout à l’heure ?
     – À tout à l’heure.
        
           

    
       
     Cette année encore, nous ne sortons pas de l'hiver. Plus long, plus dur, plus hivernal que d'habitude, on n'y sentit pas durer encore l'automne, commencer déjà le printemps. Un colosse glacé, enneigé et sale, écrasa le petit peuple des saisons, qui tendent au mélange, imposa à Paris son diktat cruel. Pour la première fois, je fermai ma fenêtre. Je m'inquiétai pour Pauline qui prit une mauvaise toux, une sale toux qui ne la quitta que peu à peu, avec des reprises, des rechutes. Pauline amoindrie, presque abattue, ce n'était pas possible ! Je demandai à Maurice de répondre à l'appel de l'abbé Pierre, et d'ouvrir notre porte aux malheureux sans-logis. Oh, il ne l'ouvrit pas sans grincer, et je gage qu'il opéra une rigoureuse sélection ! Mais Gérard et Catherine s'avérèrent des compagnons jeunes, actifs et, ma foi, bien drôles…
    
    
   
Ce jour exceptionnel de mars finissant, je me vis, miraculée, capable de descendre de chez moi avec une seule canne, et le bras de Gérard au soutien du mien. Oh… Comme tout est différent, moi qui ne connais plus mon jardin que de haut, comme tout est différent au ras du sol ! C’est autrement plus agressive que l’odeur de la terre retournée vient aux narines, quand on se penche de près sur elle… Et ces lombrics, et ces cocons pleins de minuscules araignées à naître, et les délicieux cornets des toutes premières feuilles de rosier, si petits, si détaillés, si rouges… je ne connaissais plus l’existence de tout cela !
Je me promène entre les plates-bandes, je regarde sous les arcades les vitrines qui me sont neuves elles-aussi, car enfin, je ne savais pas que des couturiers tenaient désormais boutique au Palais-Royal, ni des parfumeurs… 
   
   
Tout est bleu ce matin
© Frédéric Le Roux, 2013
    

illustrations  
     
1. Dunoyer de Segonzac, La baie de Saint-Tropez et le massif des Maures, coll. part. 
2. Dignimont, Chat noir sur un coussin rouge, Palais des Beaux-Arts de Lille.
3, 4.  Inconnus, Bassin des Tuileries, Champ de Mars, Internet.
5. Inconnu, Devanture de la librairie Charles Bosse en 1932, 16-18 rue de l’Ancienne Comédie à Paris.
6. Dignimont, Bar, Paris, Centre Pompidou.