Pour Colette, le vin, denrée éminemment respectable, est semblable à un joyau, ou à un prince à qui l'on doit tous les égards. Pour la récompense d'un sourire, d'un baiser, ou celle d'une gorgée.
" 'Je suis la race, affirme-t-il, j'ai fondé mieux qu'un empire. A mon seul nom les yeux brillent, les lèvres se mouillent. J'ai des noms plus doux à l'oreille que des mots d'amour (…).'
Partout on travaille, mais le rythme du labeur se plie à la convenance du vin qui n'aime ni la hâte, ni la brutalité.
Autour de nous règnent les sons amortis, le calme et ce luxe suprême, bientôt inaccessible à notre existence : la lenteur réfléchie, la mesure. Au-dehors, la bise elle-même galope, la route se couvre d'automobiles, le téléphone grelotte sans trêve. Mais au chevet du vin cloîtré, le temps s'endort, et peut-être que nous cessons, un moment, de vieillir ?… "
in Prisons et paradis, En Bourgogne
Colette et son ami le peintre Dunoyer de Segonzac avaient sans doute la même conception du vin. Mais quel chemin parcouru, de la Côte d'or à Saint-Tropez ! On passe des blancs et des rouges aux rosés, on passe d'une dégustation exceptionnelle à la bouteille de Syrah-Grenache-Mourvèdre de tous les jours… Mais personne, à ma connaissance, n'a su rendre aussi bien que cet aquarelliste la couleur du vin…
André Dunoyer de Segonzac,
Nature morte avec deux lunettes de vin
1959
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