mercredi 15 février 2012

Le réveil matinal

       
Je ramène sur mon épaule la peau de loutre qui en a glissé pendant la nuit. C’est que, par la fenêtre ouverte, entre le courant plus froid qui annonce l’aube. Voici un autre matin… C’est toujours le matin. C’est encore le matin, et je ne m’en lasse pas. 
     
Tout est encore immobile et obscur, mais de mon lit je regarde le vent dévoiler les étoiles. Ces pas qui font résonner le silence de leur tac-tac affirmatif, ce sont les talons de mademoiselle Renée Hoffman, archiviste à la Bibliothèque nationale, qui grimpe l’escalier du passage du Perron. Comme vous devez aimer votre travail, Mademoiselle, et le frisson d’aventure du petit matin, pour être chaque jour la première à traverser notre jardin ! J’envie vos pas, et l’humidité fine qui vous étreint, dans le froid du matin. 
      
Le silence ne reprend qu’un moment ses droits après votre passage. Pigeons, merles, pies, moineaux… Durant trois saisons, leur concert célébrera cette heure première, encore nocturne. Je trouve un plaisir étrange à l’entendre, ténu et comme lointain à mon oreille devenue plus dure. Dans peu d’instants un rayon pur, givré, teindra le faîte des toits d’un orange pâle et éphémère. Je le sais, plus que je ne le vois. Je le sais au gain de hauteur, de délire dans le chant des oiseaux, à la nuance d’argent poli que, malgré leur usure, mes yeux perçoivent encore sur l’horizon. Le monde naît quotidiennement, commence, recommence… et moi avec ? Peut-être ! Encore quelques instants et le rose vif, le jaune d’or embraseront la moitié du ciel et du Palais-Royal…
     
N’est-ce que l’habitude qui guide ma main vers le pot à stylos, soulève l’abattant du pupitre d’où elle tire une liasse de feuillets azurés ? 
   
pour ma Chi
      
      
Tout est bleu ce matin
© Frédéric Le Roux

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