mercredi 1 février 2012

Une euphorie complice

Je revois une suite isolée de nuits chez Missy, où nous rejoignait Jeanne. C’était vers la fin de l’hiver. Un dîner rapprochait, sans les unir, trois femmes. Missy se retirait dans ses étages… En moi-même, je l’appelais « la Sultane » : donnant sa bénédiction à l’étreinte de deux êtres plus jeunes, elle la gouvernait secrètement. 
      
Dans une vaste cheminée, un feu resplendissait, qui chauffait l’air autour de canapés bas et de fourrures étendues sur le dallage rouge. J’ouvrais les fenêtres pour sentir se mêler, à l’odeur du feu, le parfum bleu de Paris, humide et froid. Dehors, le reste d’une averse s’égouttait sur des branches nues, déjà porteuses de bourgeons. Nous nous dévêtions, Jeanne et moi. Les oiseaux qui, sous le tissu qui couvrait nos seins, retenaient leurs cris, commençaient à chanter… 
      
    
Je me rappelle une euphorie complice, des prises de contact instinctives qui révélaient le soyeux de nos peaux, leur tendre épaisseur, presque leur porosité. Les seins, les ventres, les cuisses, les fesses apparaissaient dans toute leur émouvante présence. Je me souviens d’éblouissements organiques précis, variés en formes et en couleurs, qui dépendaient autant des caresses prodiguées que des qualités de l’air et de la nuit… 
        
De temps en temps nous nous relevions pour boire de l’eau fraîche, manger un fruit, nourrir le feu… Brusquement j’enlaçais Jeanne par derrière pour sentir, comme si c’était la mienne, sa poitrine sous mes paumes. Mon amie haletait à petit bruit, sa croupe ondulait au rythme du désir que, des paumes, des doigts, j’acheminais lentement, caresse après caresse, à la résolution…
     
Jaimais aussi magenouiller devant elle, comme jaimais le faire devant un homme. Cest ainsi que je goûtais le mieux leurs puissantes odeurs, le bouquet marin de la femme, ses arômes de fleur et de coquillage, lodeur de musc de lentre-jambes masculin, des bourses dont la peau très fine, réticulée, sent le cuir, le havane… Captivantes odeurs ! Jaimais, assise en lotus, recevoir leurs fluides  respiration liquide, essentielle, dune bouche et dun sexe…
         
Tout est bleu ce matin
© Frédéric Le Roux

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