vendredi 3 février 2012

Oranges

   
Bonjour ! Pourquoi ne pas commencer la matinée par un délicieux jus d'oranges… C'est la saison ! Et si tu es fumeur, pour toi c'est encore meilleur : plus que d'autres tu as besoin de vitamine C…
    
   
Quand nous avions des oranges… Les nommer, depuis qu’elles nous manquent, c’est assez pour susciter, sur nos muqueuses sevrées, la claire salive qui salue le citron frais coupé, l’oseille crue, la mordante pimprenelle. Mais notre besoin d’oranges dépasse la convoitise. Nous voudrions en outre voir des oranges. Nous pensons à ce reflet, cette lumière de rampe qui montait des poussettes chargées aux visages penchés dans la rue. Nous voudrions acheter un kilo, deux, dix kilos d’oranges. Nous voudrions soupeser, emporter ces branches coupées, porteuses de feuillages vernissés et de mandarines, qui jalonnaient les étals du cours Saleya à Nice, tout le long du marché aux fleurs.
   

     
Leur parfum, tombant de haut, traînait à ras de terre et nous barrait presque le passage. Des pétales de cire ne cessaient de pleuvoir, entraînant dans leur chute les abeilles ivres ; elles touchaient avec eux le sol, se relevaient poudreuses et regagnaient les fleurs suspendues parmi les fruits. A son tour une orange tombait, longue, lourde orange en forme d'œuf, qui s'ouvrait en atterrissant et saignait de sa chute un sang rosé… Non loin, les murs roses de la ville, sur un ciel que pâlissait déjà la chaleur, limitaient ce paradis  paradis d'ailleurs bien gardé ; si je tendais la main vers ses pommes d'or, le bras de l'ange marocain, noueux et noir, perçait les feuillages, brandissait un bâton… Mais sur un mot de notre guide, le bras de bronze, un moment résorbé, reparaissait, offrant sur sa paume sombre une juteuse orange.
  
Flore et Pomone, 1942. Edition Pléiade, tome 4, p. 543-546
     

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